La sève et la moisson
LA SEVE ET LA MOISSON
Je suis celle qui voit les sorcières
et qui n’y croit pas
Je suis celle qui voit l’Eternel
et qui n’y boit pas
Je suis celle qu’un ailleurs appelle
et qui n’y va pas
Je suis celle qui se rebelle
devers elle-même.
A quoi bon cette ardeur tendue
vers quoi ?
A quoi bon ce refus aigu
de quoi ?
A quoi bon cet espoir diffus
en quoi ?
A quoi bon cette vie incluse
en moi ?
A quoi bon souffrir à mourir
pour rien ?
Je ne veux plus sentir en moi
cette lame qui ronge
Je ne veux plus sentir en moi
le rampement du songe
A quoi bon tant de fleurs
vigoureuses arrachées au sommeil
par l’œil blanc du soleil
aux doigts pleins de couleurs
Les tiges sont tendues
prêtes à la serpe aigue
et l’élan les emporte
dans un ciel écarlate
Mais la faux n’est pas là
la faux ne viendra pas
Pourquoi la floraison
sinon pour la moisson ?
Pourquoi une abondance
veuve de sa jouissance ?
Les fleurs meurent, lassées
la faux n’est pas passée
et l’espérance enfouit
dans le sol de l’ennui
ses corolles brisées
et ses têtes penchées
Mais dans la plaine morte
né des larmes violettes
un petit germe rit,
avide de bonheur
afin d’être cueilli
si vient le moissonneur
Ainsi comme le blé
tu pousses et retombes
et ta sève altérée
fera le tour du monde…