La deuxième ombre
LA DEUXIEME OMBRE
Qui a perdu son ombre ?
J’en ai une à lui donner
Quoi ? vous doutez du nombre ?
C’est pourtant la vérité ;
Car je suis affligé,
en plus de l’ombre noire
qui ne se plaît qu’allongée
dans une saine lumière,
En plus de cette ombre si noire
j’en ai une plus noire encore
qui me suit quand il fait beau
et même s’il pleut des seaux
Méchante perçante vrillante
agaçante et délirante
elle vient se chauffer au lit
sans demander mon avis.
Et j’ai beau la fuir pourtant,
quand par sa faute je m’isole
elle m’attend depuis longtemps
au coin de ma solitude folle.
Eparpillée à tous les angles
de notre belle planète,
elle est l’hydre aux mille têtes
qui de ses yeux vides d’aveugle,
Méchante perçante vrillante
délirante et déroutante
m’ouvre la peau du ventre
et y fouille jusqu’au centre.
Quand je saute, elle tombe !
L’autre saute avec moi
Quand je pleure, elle rigole !
L’autre pleure avec moi
Quand je pense,
elle fait du bruit, pour m’empêcher de penser
Quand j’oublie,
elle fait du bruit, pour m’empêcher d’oublier
Quand je ris, elle se lamente,
l’ombre noire
au fond de moi,
la méchante la collante
l’obsédante toujours là.
Qui veut de mon ombre noire ?
Je garderai la gentille,
je vous donne l’indocile
incrustée dans ma mémoire
comme un Christ dessus sa croix.
Mais peut-être vous aussi
avez-vous deux ombres noires ?
Celle qui suit sans histoire,
et l’autre qui vous fait souci.
L’insolente parasite
la méchante et l’hypocrite
elle boit tout votre sang
avec son air innocent.
Je vois ! les preneurs sont rares !
J’aurai toujours dans la peau
ce contradicteur bizarre
l’ennemi de mon repos
ma deuxième ombre noire.