Le bal des pavés
LE BAL DES PAVES
Nous, les pavés de Paris, on dit :
y-en a marre d’être des carrés gris
piétinés roulés et froissés,
bons gros dodus bien balayés
Notre tête a aussi des angles très pointus
On est des cubes, saviez-vous ?
à quatre becs très affamés
picoreurs d’yeux et boucliers
Pas besoin d’ailes pour voler,
vos bottes les ont écrasées
Mais à l’école des grenades
on a pris goût aux promenades
En l’air on se croise en sifflant
c’est le ballet des balayés
On aime bien voir des idées
des flics et des étudiants
Amis pavés, déterrez-vous,
montrez vos cinq faces cachées
et vos huit coins bien décidés.
Les pavés ont envie de danser
la valse libre des pavés
les pavés ont envie de jouer
les pavés ont assez hiberné.
On va danser à en crever
on se réveillera goudronnés
mais on n’oubliera jamais
qu’on a des coins et des côtés.
Ainsi valsaient les pavetons
sur les archets du printemps
ont ébranlé les maisons
puis sont rentrés dans le rang.
Maintenant la lune rit
l’alouette est dans son lit
l’ombre brise l’arbre en tranches
la feuille a quitté sa branche
L’aube chante des ave
pour les gros petits pavés
les orteils endoloris
ils fuient comme des souris
Dans leur trou sont retombés
bien cachés le dos courbé
le cantonnier est passé
les a tous cousus serrés
Désormais la nuit est nue
l’arbre est froid comme un tuyau
La lune a perdu son halo
et la mort rit dans la rue.
Les pavés ne dansent plus
le printemps soudain s’est tu
Vents de la vie, vous seuls savez
combien faudra-t-il attendre
avant qu’enfin on ré-entende
la chanson libre des pavés ?